Une forme tourmentée, comme échevelée : des branchages que la violence du vent a tordus ? À force de les scruter, de capter dans l’objet immobile la vigueur d’un mouvement que l’artiste y a inclus, le spectateur finit par voir s’esquisser un doigt, puis un autre, tous tendus vers un espace bien plus grand que celui de la sellette où la sculpture repose. Qu’avons-nous sous les yeux ? Est-ce un motif végétal ou le fragment d’un corps, d’une main humaine, très librement interprété ? Impossible de trancher.

Les « Arborescences » de Brigitte de Lanouvelle nous installent aux frontières de plusieurs règnes : le minéral (elles sont façonnées dans la terre cuite, parfois tirées en bronze), le végétal (elles traduisent les multiples avatars de l’arbre et du bois, depuis la souche jusqu’à la branche) et l’animal (elles convoquent toujours plus ou moins explicitement la créature humaine). Et comme elles rendent poreuses ces frontières, elles nous invitent à laisser parler notre imagination, s’épanouir notre sensibilité à la forme telle qu’elle se donne à notre regard sans qu’un titre vienne trop rapidement orienter c’est-à-dire limiter notre lecture.

Que nous disent ces corps et ces visages de femmes, esquissés ou plus affirmés, pris dans un entrelacs de racines ou de branchages ? Sont-ils lovés là comme en un écrin naturel et protecteur qui magnifie ce qu’ils expriment ? Cherchent-ils au contraire à s’extraire de ce réseau de liens qui, comme des lierres, enferment, empêchent de s’élancer ? Là aussi, il appartient à chacun de trouver sa réponse – ou d’osciller entre plusieurs réponses possibles. Parce qu’elles sont du côté de la vie, la vie donnée, la vie transmise, ces femmes bien plantées dans un socle stable comme en un sol nourricier, sont inscrites, enracinées dans la nature. Elles sont reliées à cette création dont elles sont partie prenante et qui les dépasse. Mais elles ne sont pas que cela. Elles cherchent aussi à s’extraire d’une certaine pesanteur – on peut lui donner toutes sortes de noms : lourdeur de la chair, poids du matérialisme, emprisonnement dans les déterminations du passé…

L’arbre, avec sa dynamique et sa symbolique particulières, s’est progressivement imposé dans la création de Brigitte de Lanouvelle. Au début, discret et massif, il est un appui naturel servant d’assise au personnage ; ou bien son principe se devine sous l’apparence d’un homme debout, stable sur le sol, solide comme un fût, tandis qu’à son bras se penche une femme à la souplesse végétale. Mais progressivement, à mesure que l’artiste affirme sa technique et nourrit sa réflexion, l’arbre devient un motif structurant l’inspiration, même lorsqu’il semble absent : en réalité, il est toujours là, prenant la forme d’un serpent-liane cernant un couple ou celle, inverse, d’une aile d’ange ouvrant, comme une riche feuillage, à cet autre couple un espace de réconfort.

Il y a dans les propositions sculptées de Brigitte de Lanouvelle un dialogue riche, traduit avec simplicité, entre la matière et l’esprit que le modèle de l’arbre résume : l’arbre, par son enracinement, nous renvoie à notre condition (nous sommes reliés à la terre, à la nature, aux générations passées) mais son déploiement vers le haut, sa croissance aérienne, ses arabesques végétales figurent un élan vers la hauteur, une quête vers un espace plus vaste, immatériel et céleste. Même s’il est à peine suggéré, le corps s’abandonne toujours et cède à l’appel de l’esprit.

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